Des recherches ont permis d'identifier le panic érigé comme étant la culture la plus prometteuse dans l'Est de l'Ontario et le Sud-Ouest du Québec pour la production de fibre et d'énergie. Aux États-Unis, le département de l'Énergie classifie le panic érigé ou «switchgrass», comme une espèce herbacée modèle pour la production d'énergie depuis le début des années 1990. Plusieurs opportunités de mise en marché seront créées prochainement pour les producteurs de panic érigé de l'Ontario. Ce guide de production fourni l'information de base nécessaire pour entreprendre la culture du panic érigé avec succès.
Le Panic érigé (Panicum virgatum L.) est une graminée vivace de climat chaud, originaire de la prairie d'herbes longues de l'Amérique du Nord. Le panic érigé est présentement cultivé dans les états du sud des États Unis comme plante fourragère pour la récolte de pleine saison. De plus, on l'emploie couramment pour le contrôle de l'érosion dans le Midwest américain, sous le «Conservation Reserve Program».
Étant une graminée de climat chaud, le panic érigé produit la majeure partie de sa biomasse du mois de juin au mois d'août. Le panic érigé s'établit plus lentement que les autres graminées cultivées dans l'Est canadien. Mais une parcelle qui paraît clairsemée la première année produira probablement des rendements élevés durant les années suivantes.
Les variétés de panic érigé peuvent être placées dans deux grandes catégories, soit les 'Lowland' et 'Upland' ' Les variétés 'Lowland' originent de terrains inondables tandis que les variétés 'Upland' proviennent de terrains secs et élevés. Des rendements aussi élevés que 26 tonnes par hectare (10,5 tonnes/acre) ont été atteints avec certaines variétés 'Lowland' en parcelles d'essai dans l'État d'Alabama. C'est presque le double du rendement moyen des variétés 'Upland' . Toutefois, vu leur grande sensibilité à la mortalité hivernale, les 'Lowland' ne sont pas vraiment adaptées aux conditions de l'Est ontarien. Les producteurs de l'Est ontarien obtiendront donc de bons rendements fiables, à moindre risque, avec des variétés 'Upland'.
Présentement, la variété 'Cave-in-Rock' est la plus populaire dans les régions du Nord-Est de l'Amérique du Nord. À l'essai sur de petites parcelles commerciales dans le Sud-Ouest du Québec, 'Cave-in-Rock' s'est révélée supérieure à deux autres variétés également intéressantes pour l'Est ontarien (tableau 1). Des variétés de panic érigé améliorées possédant une meilleure vigueur à la levée et des rendements supérieurs sont en développement ici et aux États-Unis.
Tableau 1. Rendements d'automne de panic érigé sur des sites semi-commerciaux, Ste-Anne-de-Bellevue, Qc (1994-1998) Tonne de matière sèche par ha | ||||||
Varietés |
‘94 |
‘95 |
‘96 |
‘97 |
‘98 |
Moyenne |
Cave-in-Rock |
8.8 |
10.3 |
12.3 |
12.6 |
12.5 |
11.3 |
Pathfinder |
8.7 |
10.3 |
11.3 |
12.2 |
12.7 |
11.0 |
Sunburst |
7.9 |
9.0 |
10.5 |
12.2 |
11.0 |
10.1 |
Le panic érigé est récolté une fois par année, préférablement au printemps, de la fin avril à la fin mal. Une seule récolte par année s'avère la méthode la plus rentable. En récoltant au printemps, ses chances de survie à l'hiver sont meilleures, et les mauvaises herbes sont mieux contrôlées. On diminue aussi les besoins en fertilisants pour la nouvelle saison en plus d'améliorer les propriétés de combustion et la qualité des fibres pour la production du papier. Les hivers secs et froids de lEst ontarien réduisent la teneur en humidité du panic érigé de 30 % à 40 % tard l'automne à moins de 15 % au printemps. On peut ainsi réduire le temps de séchage au champ nécessaire avant le pressage en balles.
Peu de données sont disponibles sur la récolte d'automne du panic érigé dans l'Est ontarien. Dans les états du Midwest américain (ex. Iowa), où la saison de croissance est plus longue que celle de l'Est ontarien, il est recommandé de récolter 2 à 3 semaines après une gelée mortelle. Le panic érigé étant alors en dormance, la récolte causerait peu de dommages en autant qu'il ait disposé d'assez de temps pour emmagasiner les nutriments nécessaires pour survivre à l'hiver. Puisque le climat d'automne dans l'Est ontarien limite le séchage, retarder la récolte deux à trois semaines suivant un gel mortel n'est pas réalisable la plupart des années.
Huit à 10 kilogrammes de semences vivantes («Pure Live Seed - PLS») par hectare sont recommandés pour un bon établissement. Du fait que la purité et la germination des graines de panic érigé sont très variables, la vente est généralement basée sur le contenu en «PLS». Des lots de semences dotés d'un même «PLS» peuvent différer quant à leur densité. Il faut en tenir compte lors de la calibration de l'équipement d'ensemencement.
La semence nouvellement récoltée peut contenir un grand nombre de graines en état de dormance. Un taux de germination acceptable est habituellement obtenu après une année d'entreposage. Un pourcentage de dormance de 10 % ou moins pour des semences nouvellement récoltées est excellent. Le coût des semences peut varier entre 8 $ et 20 $/kg selon la variété et la demande du marché.
Des recherches dans l'Est canadien -etaux- États-Unis ont déterminé que le panic érigé s'établit mieux sur les sols sableux et les loams que sur les sols argileux. La présence de mottes en sois argileux réduit le contact entre le sol et les graines, ce qui peut retardée la germination. De plus, les sols argileux se réchauffent plus lentement au printemps. Le compactage est recommandé avant et après l'ensemencement pour tous les types de sols, particulièrement pour les sols argileux. Une empreinte de pied ne devrait presque pas être visible avant l'ensemencement.
Le rendement du panic érigé sera meilleur sur un sol bien drainé (avec un bon drainage de surface et souterrain). Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires afin de connaître le niveau de drainage minimum requis pour cette culture. Grâce à son système radiculaire étendu et à sa nature vivace, le panic érigé produit par ailleurs de meilleurs rendements dans des sois de qualité moyenne à pauvre comparativement à la plupart des cultures annuelles. Le pH du sol devrait être de 6,5 ou plus pour une production maximale.
En raison du fait que le panic érigé est plutôt lent à couvrir le champ, la répression des mauvaises herbes est critique pour assurer un bon établissement. Des herbicides non sélectifs peuvent être pulvérisés l'automne précédant l'ensemencement afin d'éliminer les mauvaises herbes vivaces comme le chiendent. Les prairies de foin et les pâturages devraient être labourés durant l'été ou l'automne précédent afin de bien émietter le sol.
L'ensemencement devrait se faire lorsque le soi est bien réchauffé au printemps, habituellement entre le 15 mai et le 10 juin. Une préparation du sol peut inclure un ou deux passages de herse (ou disques), suivi par le compactage (cultipacking). Un travail additionnel du soi peut être effectué au début de mai afin de favoriser l'émergence des mauvaises herbes annuelles (faux-semis). L'ensemencement peut se faire en utilisant le semoir à céréales muni d'une boite à semences fourragères ou d'un semoir spécialisé. La profondeur de semis est de 1/2 à 1 cm (1/4" à 1/2"). Le compactage du semis devra se faire immédiatement après l'ensemencement. Sur les sols légers, le semis direct (sans travail du sol) est une autre possibilité. Cette pratique n'a pas été testée dans l'Est canadien mais serait employée aux États-Unis.
On distingue difficilement les plantules de panic érigé des mauvaises herbes graminées, surtout de la sétaire. Le panic érigé peut être identifié par les poils blancs qui forment une masse à la jonction de la feuille et de la tige (figure 1). La tige est arrondie et habituellement rougeâtre. L'établissement est réussi lorsque 10 à 32 plantules par m2 (1-3 plantules par pi2) sont présentes après l' établissement.
Il n'y a aucun herbicide homologué présentement pour le panic érigé au Canada. Les recommandations suivantes sont basées sur des recherches effectuées au Canada et aux États-Unis. Les producteurs doivent lire et suivre les directives retrouvées sur l'étiquette de chaque produit. La première consigne est de ne pas employer d'herbicide hormonal comme le 2,4-D, qui peuvent limiter le développement du panic érigé et nuirent à son établissement. Par contre, le panic tolère bien l'atrazine à tous les stades. La recommandation aux USA est d'employer l'atrazine à raison de 1,1 à 2,2 kg/ha d'ingrédient actif (1-2 Ib/acre) pendant ou tôt après l'ensemencement. Les herbicides Basagran' (bentazon) et Laddock® (mélange d'atrazine et de bentazon) peuvent réprimer les mauvaises herbes à feuilles larges avec un minimum de risques pour le panic.
Les mauvaises herbes les plus difficiles à réprimer dans les semis sont les graminées, car les herbicides disponibles ne sont pas assez sélectifs. Les efforts de recherche présentement en cours devraient offrir de nouveaux choix d'herbicides au cours des prochaines années.
La fauche des mauvaises herbes au-dessus du feuillage du panic érigé est une des stratégies qui peut être utilisée pour contrôler les mauvaises herbes, surtout en cas d'invasion grave des semis. On peut même faucher plusieurs fois durant la saison au besoin.
Dans la plupart des cas, un apport supplémentaire en azote n'est pas requis durant l'année d'établissement. Dans la majorité des cas, l'application d'azote ne fait qu'encourager le développement de mauvaises herbes. Du potassium et du phosphore ne doivent être appliqués à l'établissement que si leur disponibilité dans le sol est très basse. En sols riches, ces applications supplémentaires sont peu utiles pour la production de panic érigé puisque l'important système racinaire et les mycorhizes permettent d'utiliser les sources disponibles dans le sol.
Afin d'assurer une croissance vigoureuse la deuxième saison, il est recommandé de faire la récolte au printemps, après le premier hiver suivant l'ensemencement.
Les recherches menées dans l'Est du Canada indiquent que la production maximale peut être atteinte à la troisième saison. La première récolte après l'année d'établissement produira 30 % -40 % du potentiel de production, et celle suivant la deuxième saison donnera 70 % - 80 % du rendement potentiel. Une fois établit, une parcelle de panic érigé restera productive pendant 10 ans ou plus.
La meilleure période de récolte pour le panic érigé dans nos régions demeure le printemps. La croissance du panic érigé débute à partir de la fin du mois de mai. La récolte peut alors se faire dans les 6 semaines avant le début de la croissance saisonnière. On ne devrait pas utiliser le conditionneur lors de la fauche puisque les tiges qui sont alors passablement sèches pourraient facilement être endommagées ou perdues. Une andaineuse peut être utilisée pour délicatement faucher les plantes. Pour les marchés industriels tels que les pâtes et papiers et la production d'éthanol, le pressage en grosses balles carrées est recommandé.
Dans la plupart des cas, la seule opération nécessaire après la récolte de printemps est l'application de 50 - 60 kg d'azote par hectare (45 - 53 Ib/acre). Les champs de panic érigé dans l'Est du Canada sont généralement fertilisés avec du nitrate d'ammoniaque. La fertilisation excessive d'azote risque de faire verser la culture, ce qui réduit les rendements et occasionne des difficultés lors de la récolte.
Avec la récolte de printemps, les apports en potassium et en phosphore ne sont habituellement pas requis pour des sols de fertilité moyenne à riche. La concentration de potassium et de phosphore dans le sol devrait être surveillée durant les 2 - 3 années suivant l'établissement des parcelles. La fertilisation des parcelles peut alors se faire au besoin.
Le panic érigé peut donner 8 à 13 tonnes métriques (madère sèche) par hectare dans l'Est ontarien, lorsque la culture est complètement établie (3,2 à 5,3 tonnes/acre). On estime que la perte de feuilles et d'inflorescences durant l'hiver peut réduire les rendements des récoltes de printemps de 25 % à 30 %. Toutefois, le matériel récolté sera d'une qualité supérieure pour la production de papier et comme combustible. Des recherches en cours visent à améliorer le rendement et la qualité des variétés de panic érigé disponibles pour les producteurs.
Comparativement aux cultures annuelles, les coûts de production sont moins élevés pour le panic érigé en raison de sa nature vivace, de ses faibles exigences de production et son rendement élevé. La recherche démontre que la vente de foin de panic érigé à $50 la tonne sèche est rentable pour les producteurs de l'Ontario. En Amérique du Nord, le point mort varie entre $45 et $75 la tonne de matière sèche selon les rendements obtenus et le type de terrain cultivé (friche ou de pauvre qualité comparé à du terrain de qualité supérieure).
Environ la moitié du coût de production du panic est dû à la récolte et au transport des balles vers le lieu de transformation. Les autres coûts incluent les charges annuelles de fertilisation d'environ $50-$60/ha et l'amortissement des coûts d'établissement encourrus la première année.
Le développement du panic érigé est axé principalement sur la production d'énergie et son utilisation comme fibre dans la fabrication du papier. Grâce à la proximité de plusieurs usines de pâte et papier, des opportunités d'affaires se développeront au cours des années à venir pour les producteurs de l'Est de l'Ontario. L'éthanol, un combustible produit normalement à partir du grain, sera éventuellement produit à partir de plantes fourragères et du bois (i-e à partir de la cellulose). La première usine pilote au monde pour la production d'éthanol à partir de cellulose sera construite à Ottawa d'ici la fin du siècle. La commercialisation de ce procédé ouvrira de nouveaux marchés pour les producteurs de panic érigé.
Le chauffage résidentiel est un autre marché potentiel pour le panic érigé dans le domaine de l'énergie. Les poêles à granules de bois deviennent de plus en plus populaires tandis que les résidus de bois deviennent plus chers. Un développement important dans la conception de poêles à particules a été réalisé par la compagnie canadienne DellPoint. Ces nouveaux poêles permettent la combustion de matériaux à plus haute teneur en cendre tel que le panic érigé. La production de granules de panic érigé est présentement optimisée. D'autres marchés potentiels incluent l'utilisation du foin de panic érigé comme litière en productin animale et comme source de fibre pour la confection de matériaux de construction.
Les gaz à effets de serre tel le bioxide de carbone, contribuent à l'augmentation de la température de la planète en formant une couche isolante dans l'atmosphère: l'effet de serre. Le Canada s'est engagé à accepté de réduire ses émissions de gaz à effets de serre d'ici l'an 2012 à 6% sous les niveaux de 1990. Le panic érigé peut contribuer à cette réduction par la production de bio-combustibles (éthanol et granules) qui peuvent avantageusement remplacer les combustibles fossiles.
Le panic érigé peut aussi contribuer à la réduction des émissions de gaz à effets de serre en augmentant à matière organique des sols où il est cultivé. La matière organique est formée entre autre par l'accumulation de résidus des plantes (paille et racines) dans le sol. Ces résidus utilisent le bioxide de carbone pour leur développement. La quantification du potentiel du panic érigé pour la capture du carbone sous forme de matière organique dans les sols et conditions de l'Ontario est présentement en cours.
Des informations supplémentaires peuvent être obtenues des sources suivantes :
Resource Efficient Agricultural Production (REAP) - Canada C.P. 125, Maison Glenaladale, Sainte-Anne de Bellevue (Oc), H9X 3V9 Téléphone: (514) 398-7743; télécopieur: (514) 398-7972 Courrier électronique: Reap@interlink.net Site internet: http://www.reap.ca/ Collège d'Alfred - Université de Guelph Groupe Recherche et Transfert de technologie 31, rue St-Paul, Alfred (On) KOB 1AO Téléphone: (613) 679-2218, poste 600; Télécopieur: (613) 679-2420 Courrier électronique: PBlais@alfredc.uoguelph.caLa réalisation de ce guide de production a été possible grâce au soutien du programme CanAdapt de l'Ontario, administré par le Conseil de l'Adaptation Agricole (CAA) de l'Ontario: 90 Woodlawn Road West, Guelph (On) NlH lB2, Téléphone: (519) 822-7554; Télécopieur: (519) 766-9775, courrier électronique: canadapt@adaptcouncil.org; Site internet: www.adaptcouncil.org.
Les auteurs souhaitent remercier le ministère des Ressources Naturelles du Canada pour leur soutient continu au développement du panic érigé comme culture industrielle.