La société ChanvrEstrie a pour mission la production, la transformation et la commercialisation du chanvre industriel. Cette démarche comporte différents volets, dont un d'information et de formation auprès des producteurs agricoles et des milieux industriels. Le but du guide est de donner un aperçu des pratiques culturales nécessaires à la réussite d'une production de chanvre industriel. Le développement du volet recherche de ChanvrEstrie permettra une mise à jour de ce guide au besoin.
L'entrée en vigueur du Règlement sur le Chanvre Industriel, en mars 1998, permet dorénavant la production de cette culture au Canada pour des fins commerciales. Le Règlement encadre les activités reliées à l'importation, l'exportation, la possession, la production, la vente, la fourniture, le transport, l'expédition et la livraison de chanvre industriel ainsi que l'offre ayant pour but de à vendre ce produit. En vertu du Règlement, le chanvre industriel (Cannabis sativa) comprend toute plante ou partie de plante de cannabis dont les feuilles et inflorescences ne contiennent pas plus de 0.3% de THC (tétrahydrocannabinol), y compris les dérivés des graines, comme l'huile et le tourteau. La production de chanvre industriel requiert l'obtention annuelle de licences et permis émis à cette fin par Santé Canada. La liste des cultivars approuvés pour la culture commerciale est établie annuellement par Santé Canada.
Le chanvre industriel moderne est composé de cultivars dioïques et monoïques. Les cultivars dioïques comprennent des pieds mâles et des pieds femelles alors que les cultivars monoïques sont constituées de plants à port femelle, à l’inflorescence de type femelle où se développent en sus des fleurs mâles. Le chanvre à l'état naturel étant dioïque, les variétés monoïques sont le résultats d'efforts de sélectionneurs européens visant principalement à résoudre le problème de décalage de floraison entre les plants mâles et femelles. Ceci résulte en des plants ayant une tige de hauteur et de taille semblable, assurant une qualité constante et possiblement de meilleurs rendements.
La culture chanvrière résulte en la production de trois principaux types de matière première, lesquelles ont des applications commerciales distinctes.
L'huile de chènevis peut aussi être utilisée au niveau commercial dans des marchés similaires à ceux de l'huile de lin (huile à lampe, encre pour l'imprimerie, préservatifs pour le bois) et au niveau industriel comme matière première entrant dans la fabrication de savons et détergents, entre autres. L'huile de chanvre a aussi été utilisée comme émollient dans des produits pour les soins du corps.
Le tourteau de chènevis peut quant à lui être écoulé sur les marchés de la consommation humaine et animale.
Vingt-trois cultivars ont été approuvés par Santé Canada pour la production commerciale en 1999. Le Tableau 1 présente ces cultivars, leur pays d'origine ainsi que leur classe de maturité. Il est important de noter que le fait d'être inclu dans la liste de cultivars approuvés ne signifie pas nécessairement que la semence d'un cultivar soit disponible à l'échelle commerciale.
Il est évidemment prématuré de faire des recommandations spécifiques quant au potentiel des cultivars éligibles à la production en 1999. Néanmoins, à titre de règle générale, lorsque la production de chènevis est visée, il serait souhaitable d'utiliser des cultivars à maturité très hative à mi-hative, afin de réduire le risque que le chènevis n'arrive pas à maturité. La période nécessaire pour que le chènevis parvienne à maturité varie généralement entre 90 et 150 jours, selon le statut hatif ou tardif d'une variété.
Tableau 1: Cultivars, pays d'origine et période à maturité des cultivars de chanvre industriel approuvés pour la production commerciale au Canada en 1999 | ||
Cultivars |
Pays d'origine |
Maturité |
Anka |
Canada |
Hative |
CS |
Italie |
Tardive |
Carmagnola |
Italie |
Tardive |
Fasamo |
Allemagne |
Hative |
Fédora 19 |
France |
Hative à mi-hative |
Fédrina 74 |
France |
mi-hative |
Félina 34 |
France |
Hative à mi-hative |
Férimon |
France |
Hative à mi-hative |
Fibranova |
Italie |
Tardive |
Fibriko |
Hongrie |
Tardive |
Fibrimon 24 |
France |
mi-hative |
Fibrimon 56 |
France |
mi-hative |
Finola-314 |
Finlande |
Très hative |
Futura |
France |
Tardive |
Kompolti |
Hongrie |
Tardive |
Kompolti Hibrid TC |
Hongrie |
Tardive |
Kompolti Sargaszaru |
Hongrie |
Tardive |
Lovrin 110 |
Roumanie |
Mi-hative à tardive |
Uniko-B |
Hongrie |
Tardive |
USO-11 |
Ukraine |
Hative |
USO-14 |
Ukraine |
- |
USO-15 |
Ukraine |
Hative |
USO-31 |
Ukraine |
- |
Lorsque seule la production de fibre est visée, la récolte s'effectue entre le début et la fin floraison des plants, ce qui rend l'utilisation de cultivars à maturité tardive moins risquée. Le rendement en fibre sera par ailleurs probablement accru avec ces cultivars puisque la floraison surviendra plus tard en saison. La floraison peut débuter entre 40 et 70 jours suivant le semis, selon les cultivars.
Lequel des marchés, de la graine ou de la fibre, veut-on percer ? Le taux de semis sera différent dans les deux cas.
Marché de la graine: Le taux de semis est nettement inférieur à celui utilisé pour la fibre, soit environ 30 kg/ha. Ce taux varie en fonction de la taille et du poids de la semence de chaque variété mais le but ultime est d'obtenir une population finale d'environ 100-150 plants/m2. L'espacement entre les rangs est habituellement de 15-18 cm, tel qu'utilisé en production céréalière.
Marché de la fibre: La production de fibre requiert un taux de semis d'approximativement 80 kg/ha, avec comme objectif une population finale d'environ 250 plants/m2. Un espacement entre les rangs tel qu'utilisé en production céréalière est recommandé. Il est à noter que la population tend à se stabiliser naturellement aux environs de 250 plants/m2 en fin de saison par la compétition. Cette mortalité réduit néanmoins la quantité et la qualité de la fibre produite.
Après avoir identifié le marché visé et les quantités de semences nécessaires, les pratiques culturales particulières aux deux productions sont relativement similaires jusqu'au temps de la récolte.
Des études ontariennes indiquent que le chanvre préfère les loams-sableux fertiles, bien drainés, ayant une bonne structure et un pH supérieur à 6. La production en sols lourds est possible mais peut résulter en l'obtention de rendement moins élevés. D'autres facteurs à considérer sont notamment:
Le travail du sol nécessaire est similaire à celui pratiqué en production céréalière, l'important étant la préparation d'un lit de semence suffisament fin afin d'assurer un bon contact avec la semence. Le semis est effectué à l'aide d'un semoir à céréales, préférablement équipé de roues plombeuses, à une profondeur de 2-2.5 cm, aux taux de semis et espacements mentionnés précédemment. L'utilisation d'un rouleau après le semis est recommandé.
Le moment optimum pour le semis du chanvre au Québec demeure encore à déterminer. Les études ontariennes recommandent de débuter le semis lorsque la température du sol atteint 8-10 degrés Celsius. Les plantules de chanvre possède une certaine résistance au gel, bien que les avis à ce sujet soient encore partagés. Le semis à partir de la mi-mai est probablement la stratégie qui présente le moins de risque.
La fertilisation requise en production chanvrière s'apparente à celle pratiquée dans la production de maïs-grain. Les chercheurs ontariens recommandent l'application de 90-125 kg/ha d'azote, 23-75 kg/ha de phosphore et 0-70 kg/ha de potassium. La fertilité du sol, l'antécédent cultural et les applications de fumier doivent être évidemment pris en compte lors de formulation des besoins en fertilisants minéraux. Ces recommandations s'appliquent de plus à la production chanvrière en général. Des recommandations spécifiques pour la production de fibre et de grain seront probablement développées à l'avenir puisque, par exemple, une surfertilisation azotée pourrait réduire la quantité de filasse produite.
Le chanvre est reconnu comme étant très compétitif aux mauvaises herbes s’il est bien implanté. Dans l'éventualité contraire, l'utilisation d'herbicides peut être nécessaire, bien qu'aucun ne soit homologué pour utilisation sur cette culture au Canada. La production de chanvre pour le chènevis s'avère généralement plus susceptible aux mauvaises herbes en raison du taux de semis inférieur utilisé.
Le moment et la procédure de récolte diffèrent diamétralement que l'on vise la production de grain ou de fibre.
Production de fibre: La récolte uniquement pour la production de fibre s'effectue entre le début et la fin floraison afin d'obtenir la meilleure qualité de fibre. Après le début du développement du grain, les fibres deviennent plus dures et grossières en raison de la lignification. Le moment exact entre le début et la fin floraison semble dépendre des variétés et des marchés visés.
La récolte du chanvre pour la production de fibre débute par la fauche des plants à l'aide d'une andaineuse à barre de coupe (non-rotative) ou d'une faucheuse-conditionneuse. L'équipement traditionnel nécessite habituellement certaines modifications, spécialement afin d'éviter l'enroulement des fibres de chanvre aux pièces motrices de l'équipement en question. La teneur relativement élevée en silice de la fibre de chanvre réduit aussi la durée vie de certaines pièces d'équipement tels que les couteaux de la barre de coupe.
La fibre est par la suite laissée sur le champ, soit pour quelques jours afin de réduire son taux d'humidité et d’assurer sa préservation en entreposage, ou pour une période pouvant aller jusqu'à 4-5 semaines afin de permettre au phénomène de rouissage de faire son oeuvre. Il est à noter que Le Règlement sur le Chanvre Industriel contient des dispositions particulères quant à la nécessité d'effectuer le rouissage des fibres.
La récolte est habituellement mise en balles (rondes ou rectangulaires de grandes dimensions). La fibre destinée au textile doit par contre être intacte et différents types d'équipement peuvent être nécessaires.
Production de chènevis: Le chènevis arrive généralement à maturité 40-60 jours suivant la floraison selon les cultivars. La récolte s'effectue à l'aide d'une moissoneuse-batteuse, de type conventionnelle préférablement, en maintenant toutefois la barre de coupe assez élevée afin de minimiser la quantité de tige manipulée par l'équipement. La récolte doit débuter lorsque le taux d'humidité du chènevis atteint 12-15% et que 75% à 80% des grains sont de couleur brune. En deçà de 12% d'humidité, les grains commenceront à tomber au sol et seront endommagés lors de la récolte. Tout comme lors de la récolte de la fibre, certaines modifications à la moissonneuse-batteuse sont nécessaires afin d'éviter l'enroulement des fibres aux pièces motrices de l'équipement.
Suivant le passage de la moissoneuse-bateuse, les tiges sont coupées et récoltées en utilisant l'équipement et la procédure présentés précédemment pour la production de fibre. La qualité de la fibre ainsi récoltée est alors inférieure et définitivement impropre à la production textile.
Le rouissage est un processus de décomposition grâce auquel la pectine qui lie les fibres à la partie non fibreuse de la tige est éliminée par l'action des bactéries et des moisissures. En d'autres mots, le rouissage permet la séparation de la filasse de la chènevotte. Le processus de rouissage est généralement effectué en champ ce qui le rend tributaire de l'effet de la pluie et de la rosée. Les régions au climat relativement sec sont donc peu favorables au rouissage. Les andains de chanvre doivent être retournés à quelques occasions durant le processus afin de favoriser un rouissage uniforme des fibres. Le recours au rouissage est absolument nécessaire pour les marchés n'utilisant que la filasse et pour le marché du textile.
Les rendements anticipés en culture chanvrière au Québec sont présentés au Tableau 2. Le rendement en fibre devrait varier entre 5-10 tonnes de matière sèche (tms)/ha, procurant en moyenne 2.6 tms/ha de filasse et 4.9 tms/ha de chènevotte. L'importance de développer des marchés pour cette dernière est donc primordiale. Au niveau du chènevis, les producteurs peuvent anticiper des rendements variant entre 0.5-1.5 tms/ha.
Tableau 2: Rendements anticipés en culture chanvrière au Québec | |
Composantes |
Tonnes de matière sèche par hectare (tms) |
Fibre |
5 - 10 |
Filasse |
1.75 - 3.50 |
Chènevotte |
3.25 - 6.50 |
Chènevis |
0.5 - 1.5 |
Des mises à jour de ce guide seront disponibles au cours des années à venir. Entre-temps, les personnes désirant plus d'informations peuvent contacter:
La rédaction de ce guide fut possible grâce à l'appui financier du Conseil pour le Développement de l'Agriculture au Québec (CDAQ).